Jamais la grande distribution n’avait été aussi dépendante de la promotion. En 2015, 17,2% des ventes ont été réalisées sous promotion. Au total, l’équivalent de 3 milliards d’euros ont ainsi été remis aux consommateurs en 2015 sous forme de réductions diverses selon Nielsen.
Le cercle vicieux de la promotion permanente
Sauf que dans 6 cas sur 10, ces promotions ne sont pas rentables pour les industriels des PGC (Produits de Grande Consommation) selon une étude Nielsen. « Pour la plupart des marques, la promotion est vécue comme un passage obligé », confirme Frédéric Valette, Directeur Retail Insights chez Kantar Worldpanel. Car la promo est une véritable drogue : elle booste les ventes sur le court terme, mais ensuite l’opération nécessite d’être renouvelée de plus en plus souvent pour entretenir le niveau de ventes. Exemple : la marque de gel douche Tahiti a vu son taux de pénétration réduit de 17,8% à 16,6% en trois ans malgré une pression promotionnelle multipliée par deux !
Une dévalorisation de la marque à moyen terme
Pourtant, « une bonne partie de la promo « sponsorise » des clients qui sont de toutes façons acheteurs de la marque », note Frédéric Valette. 75% des volumes achetés en promotion sont achetés par les consommateurs fidèles selon Kantar Worldpanel. A l’inverse, seuls 13% des acheteurs d’une marque ne l’achètent que lorsqu’elle est en promo. Pire, « la valeur de la marque est inversement proportionnelle à la quantité de promotion« , met en garde Frédéric Valette. A force de voir des Danette à « prix choc » à un euro, le consommateur va finir par trouver le prix « normal » trop élevé.
Trois exemples de promo réussie
Ne jetons pas pour autant le bébé avec l’eau du bain. Il existe certains cas où la promo est vertueuse. Lors d’un lancement de produit par exemple, elle accompagne efficacement le plan media pour conquérir des consommateurs. Un an après le lancement de Coca Life (au stevia) par exemple, 13% des acheteurs venaient des achats en promotion. Et lorsque la marque a cessé ses campagnes de réduction, elle a réussi à maintenir voire à augmenter sa taille de clientèle.
Deuxième cas : élargir sa clientèle lorsqu’on est positionné sur une niche. Chez Cif par exemple, la promo a permis d’aller chercher des acheteurs nettement plus jeunes que ceux qui achètent habituellement le produit : « 37% d’acheteurs sous promotion ont entre 35 et 49 ans, contre 28% chez la clientèle « fond de rayon », révèle Frédéric Valette. Les pâte fraîches Rana ont, elles, touché une clientèle plus modeste que leur coeur de cible grâce à des opérations promotionnelles.
Dernier usage utile : renforcer son coeur de cible. Lors d’une promotion, une marque augmente ses ventes de 2% en moyenne, mais de 8% chez les acheteurs les plus fidèles, toujours d’après Kantar Worldpanel. La recommandation est surtout valable pour des marques familiales, car les familles sont de grosses consommatrices de promo et n’hésitent pas à anticiper des achats pour stocker lorsqu’elles voient une bonne affaire. « Mais les hausses de ventes sont toujours à court terme« , insiste Frédéric Valette.
« A l’instar d’un plan media, les marques doivent établir une vraie stratégie promotionnelle« , recommande-t-il. « A quel moment ou quelle occasion offrir des rabais ? Avec quelle mécanique ? Pour quelle cible et quels objectifs.?, etc.« . Et non pas répondre bêtement aux sollicitations de l’enseigne juste pour ne pas se fâcher avec elles. La meilleure défense, ça reste l’attaque !
Un changement serait-il d’ailleurs en train de s’opérer ? Au premier trimestre 2016, le chiffre d’affaires sous prospectus a progressé de « seulement » 1,9%, soit une croissance quasiment 4 fois moins rapide que sur l’année 2015, a noté Nielsen. Encore mieux : le fond de rayon (c’est-à-dire les ventes hors promotions magasin) a renoué avec la croissance.