Depuis le 4 avril, Lidl a lancé une grande campagne de publicité print et télé dans lequel il n’hésite pas à mettre frontalement en rivalité sa MDD et son « équivalent » en marque nationale. Six spots sont déjà parus, sur les crêpes fourrées (type Whaou), le sirop de grenadine (Teisseire), les bâtonnets de glaces (Magnum) ou encore le café soluble (Grand Mère). « Deux j’aime, mais pas au même prix », proclame le spot. Pour appuyer son argument, Lidl ne s’appuie sur aucune étude scientifique ou représentative. La publicité se contente de montrer deux produits identiques au niveau de la qualité (du moins au goût des acteurs de la publicité) dont la seule différence serait le prix. Encore plus douteux : la campagne s’appuie sur des produits de marque… qui ne sont pas vendus chez Lidl, du moins en France métropolitaine. C’est ce qui est précisé en tout petit au bas de la publicité. Bref, la comparaison est totalement fictive au moment où le consommateur se retrouve dans le rayon.
C’est depuis 2001 que les règles sur la publicité comparative ont été assouplies en France. Pendant plusieurs années, pourtant, aucune marque ni aucun distributeur ne s’est lancé ; contrairement aux Etats-Unis ou le dénigrement est la règles dans les spots publicitaires, ce type d’argument est plutôt mal perçu en France, considéré comme un « coup bas ». D’ailleurs de nombreux publicitaires nous affirmaient à l’époque que « cela ne marcherait jamais ».
L’exemple Leclerc
En 2008, Leclerc frappe un grand coup avec une grande campagne comparative. « Pour nous être le moins cher c’est être trois fois moins cher », proclamait la marque sur ses publicités, mettant en scène trois flans, un produit sous la marque nationale, Flanby, un autre de la marque Leclerc Déliflan et un produit premier prix. La publicité avait finalement été rétoquée par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (Arpp)… à la fin de la campagne. Par la suite, le distributeur s’est focalisé sur son site Quiestlemoinscher.com
Ces dernières années, dans un contexte de guerre des prix, les comparatifs ont fleuri partout : affichettes dans les rayons, grands charriots mis en scène dans l’entrée des magasins, affichage, spots radios… une vraie frénésie. Mais la plupart du temps, c’est une guéguerre entre enseignes : Cora affirme être moins cher qu’Auchan, qui lui-même se prétend moins cher que le Super U d’à côté… chacun se gardant bien entendu le droit de retenir ses propres critères de comparaison. A cela deux raisons : la consommation globale stagnant voire baissant légèrement (lire Conjoncture des PGC à P3 2016), l’objectif premier est de piquer des parts de marché à son voisin. Deuxièmement : les marques nationales ont fait de gros efforts sur les prix ces derniers temps (-1,5% en 2015) et ces s’affichent désormais parfois à égalité avec les MDD.
Lidl en rétropédalage
Bref, la nouvelle offensive de Lidl paraît osée. D’autant plus que l’enseigne a déployé des efforts de communication considérables ces dernières années pour monter en gamme. C’est dans ce cadre que ses rayons s’étaient ouverts aux grandes marques, en 2008. Des marques qui lui ont permis pendant plusieurs années d’attirer une nouvelle clientèle tout en élargissant ses marges. Cette année-là, elles ont contribué à 54 % de la croissance de Lidl, selon Kantar cité par LSA. On ne peut pas dire que l’enseigne leur soit très reconnaissante…
Lidl avait, il est vrai, discrètement modifié son discours ces derniers temps, en appuyant la promotion de ses propres marques, allant même jusqu’à faire croire que c’étaient des « vraies » marques nationales vendues « en exclusivité » dans ses rayons. L’ambiguïté jusqu’au bout.