C’est un bilan 2015 alarmiste qu’a dressé Jean Philippe Girard, le président de l’Ania (association nationale des industries agroalimentaires) le 29 mars. Dans un contexte de déflation (-1,2%) et de guerre des prix, « le taux de marge du secteur a atteint son plus bas niveau depuis 1974 », a-t-il averti. 251 entreprises agroalimentaires ont dû mettre la clé sous la porte en 2015, un léger recul par rapport à 2014, certes, mais qui cache une hausse de 1,5% chez les PME-TPE. Or ces dernières, les plus fragiles, représentent 98% des 16 218 entreprises du secteur.
L’année 2015 s’annonçait pourtant sous de bons auspices : chute spectaculaire des cours du pétrole (-50%) et des matières premières agricoles (-15%), taux d’intérêt à des niveaux historiquement bas, entrée en vigueur du CICE et du pacte de responsabilité (ces derniers visant à retrouver la compétitivité et générer de l’emploi), etc. Du coup, en juillet, les patrons prévoyaient encore d’accroître de 9% leurs investissements. Au final, ces derniers ont finalement terminé l’année… sur un effondrement de 7%. « Une révision de 16 points, c’est du jamais vu », s’emporte l’Ania. Dans cette guerre des prix, l’Ania dénonce aussi le rôle de l’Etat, qui avec sa loi LME de janvier 2009 a introduit la libre négociabilité des prix. « Depuis cette loi, les marges ont chuté de plus de 5 points ».
L’innovation et l’export en panne
La situation menace directement la compétitivité des IAA françaises, qui exportent 21% de leur production. « La guerre des prix nous maintient dans une position attentiste qui hypothèque notre capacité à maintenir notre rang sur la scène internationale », met en garde Jean-Philippe Girard. La France, 4e exportateur mondial de produits alimentaires, affiche certes une balance commerciale encore positive de 8,1 milliards d’euros, mais cet excédent est principalement du au vin, qui tire les chiffres vers le haut. A l’inverse, certaines catégories sont lourdement déficitaires (produits transformés de fruits et légumes, huiles et graisses végétales, boulangerie-pâtisserie, etc.).
La guerre des prix est d’autant plus inutile et dangereuse qu’elle ne fait que déplacer des parts de marché entre les différents acteurs. La consommation des produits alimentaires a ainsi augmenté deux fois moins vite que la consommation totale (+1,1% vs +1,9%). Ce n’est pas parce que la vinaigrette est deux fois moins cher que l’on va en mettre deux fois plus sur sa salade.
La crise de l’élevage a-t-elle commencé à convaincre les différents acteurs et les consommateurs des conséquences de prix tirés toujours plus vers le bas ? Les enseignes, malgré leurs discours bienveillants de façade, continuent en tous cas à matraquer leurs clients de « prix incroyables » et de « promos révolutionnaires ».