Marchés fermiers, Amap, magasins de producteurs ou La Ruches qui dit oui… Les initiatives de vente en circuit court se multiplient. Une exploitation agricole sur cinq pratique désormais ce mode de commercialisation qui entend se passer des intermédiaires traditionnels de la distribution. 6 à 7% des achats alimentaires en France emprunteraient aujourd’hui les circuits courts, d’après les chiffres du Ministère de l’agriculture. Sur le papier, les bénéfices environnementaux, sociaux et économiques ne manquent pas. Pourtant ce n’est pas toujours aussi simple.
1/ Les agriculteurs sont mieux rémunérés que dans la grande distribution
« Aider les agriculteurs à améliorer leurs revenus » est cité comme la principale attente des acteurs des circuits courts, selon une enquête de l’Inra. Or ce n’est pas toujours le cas : pratiquement toutes les enseignes se sont en effet mobilisées pour garantir un prix « juste » aux petits producteurs, instaurant des négociations « privilégiées » et « durables » pour leurs fournisseurs PME. Ces bonnes intentions sont toutefois moins d’être généralisées. Comme Casino, qui a lancé en 2007 une gamme de produits locaux « Le meilleur d’ici », quasi inexistante dans les magasins comme le révèle le magazine Que Choisir dans un article publié en septembre.
D’autre part, les contraintes liées à ce mode de distribution sont parfois lourdes à supporter. « Que ce soit au marché ou en Amap, les agriculteurs ayant choisi les circuits courts doivent offrir une grande diversité faute de quoi les consommateurs se lassent », explique ainsi à Que Choisir Christine Aubry, ingénieur de recherche à l’Inra. « Aussi, il n’est pas rare qu’ils aient 30 à 50 cultures différentes sur leur exploitation. C’est une contrainte énorme en termes de temps de travail, d’organisation et de maîtrise technique ». Les journées de travail sont souvent à rallonge, où l’on doit enchaîner un marché de 5h à midi avec le travail sur l’exploitation.
Finalement, les modes de distribution classiques demeurent indispensables en complément de revenus : seuls 57% des agriculteurs pratiquant le circuit court tirent plus de la moitié de leur chiffre d’affaires de ce type de circuit, selon le Ministère de l’Agriculture.
2/ Les circuits courts sont meilleurs pour l’environnement
C’est même parfois le contraire ! Selon une note du Commissariat général au développement durable (CGDD) de 2013, si la distance est plus courte jusqu’au lieu de distribution, les faibles quantités et le mode de transport jouent en sa défaveur. Un véhicule utilitaire léger utilisé par un maraîcher par exemple émet en moyenne 1 068 grammes de CO2 par tonne/kilomètre, alors qu’un camion de 40 tonnes transportant des marchandises diverses sur une longue distance émet presque 10 fois moins de CO2 (84 g/t/km). Sans compter l’optimisation de remplissage, qui plaide plutôt pour le transport de masse.
Quand au mode de production, qui représente 57% des émissions, l’avantage d’une culture bio serait compensé négativement par le faible rendement à l’hectare. De même, « la fabrication d’un kilo de pain par une boulangerie artisanale consomme une et demi fois plus d’énergie que celle par une boulangerie industrielle », note le CGDD.
Enfin, tout dépend bien sûr du mode de déplacement final du consommateur. Si celui-ci parcourt 20 km en voiture pour s’approvisionner en fruits et en viande, on peut se douter que c’est moins écologique de faire toutes ses courses au même endroit.
3/ Le consommateur paye moins cher ses produits
Cela paraît une évidence : moins d’intermédiaires à rémunérer, cela signifie logiquement des prix plus bas. Mais comme les prix sont librement fixés par les producteurs, « certains vendent cher car ils profitent d’une rente de situation », avance Yuna Chiffoleau, chercheuse à l’Inra, dans Que Choisir. « D’autres pratiquent au contraire des prix bas car ils veulent rendre leurs produits accessibles. On a donc des écarts très importants ». Patrick Mundler, de l’université de Laval au Québec, ajoute : « De nombreux agriculteurs ne calculent pas précisément leur prix de revient mais fixent leurs tarifs en fonction du consentement à payer du consommateur ». Et comme celui-ci est généralement plus aisé que la moyenne et plus préoccupés par des questions éthiques et par la qualité, il est souvent assez peu regardant.
Reste un point fondamental qui reste bien réel : celui de la fraîcheur. Une tomate cueillie le matin même et vendue quelques heures après sur un marché local sera toujours plus savoureuse que celle qui a traîné toute la journée sur un étal de supermarché.